Théories sur la méthode de construction des pyramides égyptiennes

Les méthodes de construction des pyramides égyptiennes demeurent incertaines. Les données archéologiques sur ces chantiers gigantesques restent particulièrement fragmentaires, alors que les théories fleurissent...



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Théorie - Pyramide égyptienne

Les méthodes de construction des pyramides égyptiennes demeurent incertaines. Les données archéologiques sur ces chantiers gigantesques restent particulièrement fragmentaires, alors que les théories fleurissent et se multiplient, en particulier depuis la fin du XIXe siècle.

Elles se focalisent le plus souvent sur la Grande pyramide, partant du principe qu'une méthode pouvant expliquer sa construction peut aussi s'appliquer à l'ensemble des autres pyramides d'Égypte. En réalité, rien ne permet d'affirmer que les mêmes méthodes aient été appliquées à l'ensemble des pyramides, de tous types, toutes tailles et toutes époques.

Rien ne vaut l'observation directe. Photographie de 1875.
Premières assises de la Grande pyramide.

Le témoignage des auteurs anciens

Les machines d'Hérodote

Interprétation du témoignage d'Hérodote.
Gravure du XVIIIe siècle

Quand Hérodote visite l'Égypte vers -450, le pays est sous domination perse depuis légèrement moins d'un siècle (XXVIIe dynastie). Ne parlant pas la langue des Égyptiens, Hérodote doit faire appel à des traducteurs, ou bien se contenter des dires des colons grecs qui habitent le pays. Il est complexe de savoir quelle connaissance les Égyptiens de l'époque pouvaient avoir des méthodes de construction de monuments vieux déjà de plus de 2000 ans, et on ne peut que s'interroger sur la véracité des propos rapportés par Hérodote ; il apparaît peu probable qu'ils soient entièrement conformes à la réalité.

Taille et transport des pierres

«Les uns durent, depuis les carrières de la Chaîne Arabique, traîner jusqu'au Nil les blocs de pierre qu'on en tirait ; d'autres eurent la tâche de recevoir ces pierres, passées en barques sur l'autre rive, et de les traîner jusqu'à la montagne qu'on nomme la Chaîne Libyque. Cent mille hommes travaillaient à la fois, relevés l'ensemble des trois mois[1]
Interprétation du témoignage d'Hérodote (gravure du XVIIIe siècle)

Assemblage de la pyramide

«Voici comment on construisit cette pyramide, par le dispositif des gradins successifs qu'on nomme tantôt krossai (corbeaux), tantôt bomides (plates-formes). On la construisit en premier lieu sous cette forme, puis on hissa les pierres de complément avec machines faites de courtes pièces de bois : on montait la pierre du sol jusqu'à la première plate-forme ; là, on la plaçait dans une autre machine installée sur le premier gradin, et on la tirait sur jusqu'au deuxième gradin, où une troisième machine la prenait[2]

Hérodote ne donne en fait aucune indication sur la méthode de construction de la pyramide en elle-même. Il dit juste qu'elle est construite par «dispositif des gradins successifs» et ce n'est que pour les pierres de parement («pierres de complément») qu'il rapporte la technique des machines de levage.

Les terrasses solubles de Diodore de Sicile

L'historien grec Diodore de Sicile (Ier siècle av. J. -C. ) n'émet absolument pas «l'hypothèse de rampes et de traîneaux», comme on le répète fréquemment : il rapporte uniquement que «les pierres ont été, dit-on, disposées au moyen de terrasses [... ] de sel et de nitre (appellation ancienne du natron d'Égypte) qui auraient été dissoutes par les eaux du Nil»[3]. Ni rampes, ni traîneaux chez Diodore : tout au plus des «terrasses» (c'est particulièrement différent), auxquelles il dit d'ailleurs ne pas croire.

Les «lentilles» de Strabon

Le géographe grec Strabon voyagea en Égypte en -25 ou -24. Dans sa Géographie (XVII, 1, 33-34), il évoque uniquement, tenant lieu de porte dans le parement extérieur de la grande pyramide, une «pierre qui peut s'enlever (λίθον ἐξαιρέσιμον[4]) et qui, une fois retirée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau»[5] ; il mentionne aussi le revêtement de granite, jusqu'à mi-hauteur, de la pyramide de Mykérinos et enfin la présence de «lentilles» (nummulites) sur tout le plateau. Il ne dit rien des méthodes de construction des pyramides[5].

Problématique et contraintes

Les anciens Égyptiens ont dû résoudre les nombreux problèmes posés par la construction des pyramides par les ressources et des connaissances techniques qu'ils avaient alors à leur disposition.

Contraintes physiques et matérielles

Les différents types de blocs

On peut distinguer plusieurs types de blocs :

Pyramide de Khéphren. On peut distinguer au sommet les restes du parement en calcaire fin.

Le transport des blocs

Les méthodes de transport ont dû être particulièrement diverses, selon le type des blocs à acheminer. Il faut envisager un transport fluvial pour certains, et des moyens terrestres pour d'autres ; les gros blocs de granite extraits des carrières de Haute Égypte ont dû connaître successivement les deux modes de transport.

Le levage et la pose des blocs

La plus haute des pyramides, celle de Kheops, culminant jadis à 146 mètres, les Égyptiens durent appliquer des techniques permettant d'élever et de poser des blocs de plusieurs tonnes jusqu'à ces hauteurs. De plus, les blocs les plus lourds (environ 40 tonnes) ont, eux, dû être élevés sur une cinquantaine de mètres (jusqu'à la Chambre du roi dont ils forment le «toit»).

Le nombre de blocs nécessaires

On estime que le nombre des blocs pourrait s'élever à 2 millions et demi.

Contraintes matérielles

Contrainte temporelle

Apports de l'égyptologie

Les traces archéologiques

Origine et exploitation des matières premières

Les pyramides de l'Ancien Empire sont entièrement maçonnées en blocs de pierre, plus ou moins bien équarris suivant leur destination dans le monument.

Les strates de calcaire nummulitique visibles sur le corps du sphinx.
Massif interne des pyramides

Les pierres du massif interne (enveloppe et libage) des pyramides de ce groupe proviennent des carrières locales dont des traces subsistent sur le plateau de Gizeh, en contrebas et tout autour du sphinx. Le calcaire nummulitique de ces carrières se présente en bancs horizontaux de hauteur et de dureté particulièrement variables, scindés par des couches d'argile «tafla», qui forment une sorte de clivage facilitant énormément l'extraction des blocs de pierre.

Georges Goyon[8] émet l'hypothèse que les pierres détachées de la carrière par couches horizontales entre les lits d'argile ont été simplement débitées en gros blocs et remontées sur la pyramide dans le même ordre, avec des joints donc parfaits sans qu'on ait eu à les retoucher !

Cette hypothèse apporte une explication à l'absence d'interstices constatée entre les joints verticaux de l'enveloppe des pyramides, ainsi qu'à la présence de joints obliques ou irréguliers, particulièrement complexes à réaliser autrement. Elle expliquerait aussi les irrégularités de hauteur des assises, déterminées par l'épaisseur des bancs de pierre en exploitation.

Revêtement de calcaire fin
Une carrière à Tourah.

Les pyramides étaient couvertes de blocs de calcaire fin et dur idéalement taillés et polis, provenant des carrières de Tourah.

Revêtement de granite (Khéphren, Mykérinos)

Les blocs de granite rose parant la base des pyramides de Khéphren et de Mykérinos, aussi utilisés pour la maçonnerie des appartements funéraires, provenaient des lointaines carrières de Syène (Assouan).

Matériaux des pyramides du Moyen Empire

Par contre, le gros de la maçonnerie d'une pyramide du Moyen Empire n'est composé que de briques crues : seul le revêtement et les murs de renfort de la structure[9] sont en calcaire.

Les outils

Taille d'un bloc de pierre
Tombe de Rekhmirê (XVIIIe dynastie)
Fabrications d'un vase en pierre avec forets

Les outils que les Égyptiens avaient à leur disposition sous l'Ancien Empire étaient hérités, pour la majeure partie, du Néolithique. Les anciens ont acquis, avec l'outillage lithique, une grande expérience dans la taille des pierres dures, comme en témoignent les magnifiques vases sculptés durant la période thinite.

Cet outillage se composait de masses et de marteaux en diorite ou en dolérite, de lames et de couteaux en silex, de percuteurs et de forets. Des demi-sphères de calcaire permettaient le concassage de débris en poudre conçue pour la fabrication du mortier.

Le métal utilisé sous l'Ancien Empire était principalement le cuivre, utilisé sous la forme du ciseau ou de la scie alliée au sable (composé de grains de quartz). Ce dernier instrument permettait d'attaquer les pierres les plus dures. L'opinion commune juge incorrect cet outil, avançant comme argument que le cuivre pur est un métal bien trop mou pour tailler la pierre.

Maillets

Certains considèrent actuellement que les Égyptiens ne l'utilisaient pas pur : les minerais de l'époque contenaient des pourcentages d'arsenic et de bismuth constituant un alliage plus dur que le cuivre pur[10].

Le bois était aussi présent sur les chantiers, utilisé pour la fabrication de brancards, de leviers et de rondins mais aussi pour l'extraction des pierres.

Cet outillage nous semble actuellement bien rudimentaire, mais, allié à une patience hors du commun qu'on est bien obligé d'imaginer, il permettait aux anciens Égyptiens de venir à bout des tâches les plus ardues.

Leviers à bascule et ascenseurs oscillants
Ascenseur oscillant

Il existe au musée du Caire un instrument en bois nommé ascenseur oscillant, constitué d'un bloc semi-circulaire et d'un mât central. Cet appareil ayant servi dans des constructions sert à soulever des pierres de plusieurs tonnes. Des tests de faisabilité et de rapidité ont permis de considérer l'usage de cet outil comme envisageable. Malgré sa «relative lenteur»[11], il a la faveur de Georges Legrain et de Flinders Petrie, tandis que pour d'autres égyptologues, cette technique ne fut pas utilisée avant le Nouvel Empire : aucune trace n'est trouvée concernant son usage lors du Moyen ou Ancien Empire.

Le transport des blocs de pierre

Les documents sûrs ne datent que du Nouvel Empire, ou alors du Moyen Empire. Les quelques traces archéologiques éparses (vestiges de rampes, bas-reliefs) de l'Ancien Empire ne permettent pas de trancher définitivement le débat imposé par le manque de sources épigraphiques. Cependant, en considérant la constance des anciens Égyptiens en matière de construction et la lenteur de l'évolution des techniques dans l'antiquité, il est envisageable de supposer des méthodes employées pour acheminer des pierres provenant, pour les plus lointaines d'entre elles, de la région d'Assouan.

Le halage

Une fois la pierre extraite du front de taille, les ouvriers devaient la poser sur un traîneau de halage en bois qu'ils faisaient ensuite glisser sur le sol, quel que soit l'éloignement du chantier de la pyramide.

Le plus ancien traîneau connu date de la XIIe dynastie et servit, non pas à déplacer des pierres de taille, mais à transporter les grandes barques funéraires du complexe funéraire de Sésostris III.

Un bas-relief datant du Moyen Empire et relatant le transport du colosse de Djéhoutihétep fixé sur un traîneau illustre idéalement ce principe. Nul doute tandis que les lourdes charges (barques ou blocs de pierres) devaient emprunter, en général, ce moyen de transport pour les longues distances. Des voies devaient être aménagées pour favoriser le glissement des traîneaux. Ces derniers étaient tirés par des hommes dont le nombre variait selon la charge à tirer. Ainsi le colosse de Djéhoutihétep, pesant une soixantaine de tonnes, est tiré par 172 hommes répartis sur quatre files.

Le transport d'énormes monolithes, comme celui du temple haut du complexe funéraire de Khéphren, pesant plus de 400 tonnes pour un volume de 170 mètres cubes, est plus problématique. Le déplacement de telles masses, dont le poids égale celui des obélisques mis en œuvre sous le Nouvel Empire, se faisait-il sur traîneau ou bien sur des poutres[12] ? Toute solution proposée ne peut-être que conjecturale.

Les pierres étaient toutes halées par des hommes, comme le montre une autre rare représentation de la Ve dynastie : deux files de haleurs sont représentées sur un bas-relief de la chaussée de Sahourê. La charge à tirer a disparu de la scène, mais la légende décrit le transport du pyramidion qui devait coiffer le sommet de la pyramide. D'autre part, une peinture du Nouvel Empire, exécutée dans une carrière à Ma'asara, nous montre un bloc de taille tiré par trois bovins. Ce fait, probablement exceptionnel, n'exclut par conséquent pas que les Égyptiens aient pu faire appel, dès le début de leur histoire, à la traction animale.

Le transport par voie fluviale

Afin d'acheminer les pierres extraites des lointaines carrières (Assouan est localisé à près de mille kilomètres de la région memphite des pyramides), le transport fluvial sur le Nil était indispensable.

Le transport par voie fluviale, idéalement maîtrisé, était essentiel aux anciens Égyptiens. Ils avaient à leur disposition des embarcations particulièrement adaptées aux lourdes charges (colonnes monolithiques et probablement blocs de granite), comme l'atteste le bas-relief de la chaussée d'Ounas. L'activité atteignait son maximum durant la période des inondations, mais, pour remédier aux difficultés liées aux périodes de décrue, une voie navigable a été creusée parallèlement ainsi qu'à l'ouest du Nil, permettant aux convois de débarquer leurs lourdes charges dans les ports localisés à l'emplacement des temples bas des divers chantiers.


Élévation des pierres
Rampes de la pyramide de Sinki
Rampes de la pyramide de Sésostris Ier à Licht

Le problème de l'élévation des pierres sur les assises des pyramides est celui qui retient le plus l'attention du public. Les égyptologues ont fréquemment opté pour des solutions fondées sur des rampes, dont les formes et les dimensions restent à définir, alors que des spécialistes d'autres disciplines s'attachent à donner leurs propres explications.

Pourtant, quelques vestiges de rampes subsistent, surtout à la pyramide de Meïdoum, à la pyramide de Sekhemkhet ainsi qu'à celle de Khéphren[13], ainsi qu'à la pyramide de Sinki, et en particulier à celle de Sésostris Ier, à Licht. Toutes sont des rampes frontales, c'est-à-dire perpendiculaires aux faces. Si elles furent effectivement employées, elles ne pouvaient suffire à achever l'édifice, en particulier dans la phase de la pose des pierres de parement si idéalement ajustées, comme à la pyramide de Khéops.

Hérodote rapporte l'utilisation de machines en bois sans équivalent connu par l'égyptologie. Peut-être sont-elles à rapprocher des engins de manœuvre utilisés à la construction des pyramides nubiennes et inspirés des chadoufs.

La conception d'une pyramide

Théories contemporaines

Des rampes

Rampe frontale en brique crue

Rampe frontale préconisée par Ludwig Borchardt

Cette théorie fut développée pour la première fois par l'égyptologue allemand Ludwig Borchardt, interprétant ainsi la présence des vestiges de rampes aux abords de la pyramide de Meïdoum. Elle consiste en une rampe unique, perpendiculaire à une face de la pyramide, dont la pente est constante quelle que soit l'élévation. Cela implique que la longueur de celle-ci croisse proportionnellement avec le nombre d'assises de la pyramide. Les blocs, posés sur des traîneaux, étaient alors charriés sur la rampe à la force des bras. De l'huile, déposée sur le sol, aidait à faire glisser les traîneaux.

L'inconvénient majeur de cette théorie est que la rampe prend des dimensions énormes et qu'elle représente, au final, un travail aussi colossal que la pyramide elle-même. Aussi ce principe fut-il modifié, surtout par Jean-Philippe Lauer[14], qui propose une rampe linéaire unique en brique crue, perpendiculaire à la face orientée vers le Nil, de longueur variable jusqu'à une faible hauteur puis de longueur constante avec inclinaison variable.

Rampe frontale préconisée par Jean-Philippe Lauer

La rampe, suivant ces deux théories, pose des problèmes de mécanique et de génie civil importants :

Cette théorie présente par conséquent des lacunes. Elle est complexe à concilier avec la tenue des sols, la place disponible, qui sont connus des ingénieurs civils, et les possibilités de traction humaine, qui sont actuellement mieux connues grâce à l'archéologie expérimentale.

Rampe hélicoïdale en brique crue

Rampe enveloppante préconisée par Georges Goyon

Cette théorie est retenue par de nombreux commentateurs. Elle s'appuie sur une construction de la pyramide avec des rampes de brique crue parallèles aux faces et servant à tirer les blocs de pierre d'un étage à l'autre. Enveloppant entièrement la construction, cette rampe aurait permis l'élaboration de chaque assise, pierres de parement incluses, offrant une explication plausible à la finition des pierres de revêtement à partir du sommet de la pyramide. En effet, une fois le pyramidion posé, il ne restait plus qu'à démanteler la rampe à partir du sommet, dévoilant les blocs de parement qu'il suffisait de ravaler. Certains objectent à cette théorie le fait que la construction de ces rampes auraient demandé une énergie colossale, que les pentes retenues seraient incompatibles avec la tenue géotechnique des matériaux employés et qu'elle est en contradiction avec le témoignage d'Hérodote.

Bien que cette théorie ait la faveur largement d'égyptologues, elle se heurte à un écueil : comment 300 haleurs peuvent-ils continuer à tirer des charges dans des virages où il leur serait impossible de se déployer ? Georges Goyon[15] présente des limites jouant le rôle de renvoi d'angle pour des cordes de traction, solution qui n'est qu'une hypothèse de dessin, non validée au niveau de la tenue mécanique des composants.

Rampes latérales

Rampes latérales

Cette théorie consiste à accoler des rampes latérales disposées en colimaçon aux faces des degrés du massif interne de la pyramide. Elle fut énoncée pour la première fois par l'égyptologue allemand Uvo Hölscher. L'inconvénient majeur est la forte pente imposée aux rampes qui ne peuvent s'étendre que sur la longueur des faces. Ce dispositif ne peut par conséquent permettre que l'élévation de pierres assez légères. De plus, il rend impossible la pose du revêtement final. Cette théorie semble mieux adaptée à la construction des pyramides à degrés, dont la masse des pierres à assembler dépasse rarement les 350 kg, ce qui rendrait aussi envisageable l'emploi d'une rampe frontale à forte pente.

Rampe latérale avec extension

De gauche à droite : rampe en zig-zag (Hölscher), rampe semi-interne (Dieter Arnold), rampe en spirale (Mark Lehner)

L'égyptologue allemand Rainer Stadelmann a dessiné une rampe latérale qui couvre particulièrement beaucoup devant la pyramide, de façon à adoucir la pente.

Rampe engagée

Son collègue Dieter Arnold a présenté une variante de la rampe précédente, non plus latérale, mais engagée dans la pyramide et dépassant, elle aussi, beaucoup à l'extérieur.


Double rampe frontale et rampe intérieure (théorie de Jean-Pierre Houdin)

En 2000, l'architecte français Jean-Pierre Houdin (avec l'aide de Bob Brier) élabore une théorie innovante s'appuyant sur des relevés de mesures micro-gravimétriques effectués par EDF.

L'édification de la grande pyramide aurait été envisageable par deux projets simultanés d'édification :

Jean-Pierre Houdin propose l'utilisation d'un double rampe frontale pour la construction des quarante premiers mètres de l'édifice : une rampe est utilisée pour monter les blocs de pierre pendant que l'autre rampe est rehaussée, donnant la possibilité ainsi la continuité des travaux.

L'architecte met en exergue les défauts des autres théories pour soutenir la sienne. Ainsi une rampe frontale allant jusqu'au sommet de la pyramide nécessiterait une pente trop forte ou un volume trop important. La rampe en spirale préconisée par Georges Goyon aurait manqué de stabilité et n'aurait offert que trop peu de liberté aux haleurs. C'est pourquoi Il avance la théorie fondée sur la conception d'une rampe intérieure qui aurait permis de monter les blocs pour la suite des travaux : cette rampe en forme de spirale aurait ainsi couru à quelques mètres des faces de la pyramide, en 21 tronçons et sur 1, 6 km. À chaque rencontre de l'une des arêtes, un espace ouvert aurait permis de tourner les blocs de pierre[16].

Jean-Pierre Houdin s'appuie sur plusieurs indices archéologiques afin d'étayer son hypothèse. L'un d'eux est la présence dans l'obélisque maçonné d'un temple solaire (celui de Niouserrê à Abousir), de ce qu'il qualifie d'une rampe interne. Le site, datant de la Ve dynastie égyptienne et méticuleusement étudié par Ludwig Borchardt, présente il est vrai une structure interne en colimaçon, un escalier d'accès à la terrasse du premier tronc de l'obélisque.

L'autre argument principal est le contrôle des arêtes de la pyramide, que seule l'édification par rampe interne aurait permis de maîtriser. L'auteur soutient que les faces des pyramides devaient rester dégagées et posséder dès les premiers lits de pierre, leur parement en calcaire fin.

Les mesures micro-gravimétriques effectuées par EDF en 1986 lors de l'étude de l'architecte français Gilles Dormion, ont révélé des différences de densité dans l'infrastructure. Ce dernier interprète ces mesures comme l'évidence de la présence de gradins dans le corps de la pyramide. Ce fait a déjà été constaté dans d'autres pyramides dans un état de ruine plus avancé. La pyramide de Mykérinos, éventrée sur son côté nord, montre de tels gradins. La pyramide de Meïdoum, pyramide à faces lisses effondrée, ne montre plus que son massif interne en gradins. Les pyramides de la Ve dynastie égyptienne étaient aussi pourvues de ce type d'infrastructure[17]. Cette particularité démontre que les égyptiens, tout en faisant évoluer leurs monuments, intégraient dans leurs édifices des éléments architectoniques et symboliques élaborés de longue date. Jean-Pierre Houdin, quant à lui, y voit plutôt la présence d'une structure interne en colimaçon.

La conception de cette structure pourvue sur toute sa longueur d'une voûte en encorbellement, analogue à la grande galerie mais longue de 1, 6 km, aurait obligation une mise en œuvre particulièrement délicate.

Une telle rampe intérieure n'a jamais été détectée ni dans la pyramide de Khéops, ni dans la pyramide de Khéphren (pyramide présentant le même défi technique qu'à Khéops). Mais seule une étude plus poussée du monument permettrait de valider ou non cette théorie.

Théorie du dispositif constructif des pyramides

Article détaillé : Dispositif constructif des pyramides.

Le dispositif constructif des pyramides proposé par Pierre Crozat, architecte - ingénieur polytechnicien EPFL, repose sur l'analyse de l'histoire des techniques de l'art de bâtir, la géologie du site et une lecture au premier degré des rédigés d'Hérodote, qui rapportant les paroles des prêtres égyptiens de son temps concernant la construction des pyramides. Dans ce dispositif, la forme pyramidale de la construction est une conséquence de la technique d'agencement des blocs (que Crozat nomme «algorithme constructif»), c'est-à-dire par encorbellement successifs avec un levier posé sur un trépied. Cet algorithme constructif ne génère que de la pyramide. Les matériaux proviennent des carrières, dont les fronts de tailles et les laissés peuvent être vus toujours actuellement. Cette théorie a fait l'objet d'une thèse de doctorat de l'ENSMN[18].

Des rampes et des machines

Rampes en zigzag, chèvres et cabestans

Jean-Pierre Adam[19] a une prédilection pour un dispositif de quatre rampes en zigzag, soit une sur chaque face. Mais il n'exclut pas l'utilisation complémentaire de chèvres, déjà proposées par Auguste Choisy, ou de cabestans mus à la force des bras. Selon Jean-Pierre Adam, les Égyptiens connaissaient la roue.

Jean Kérisel[20], polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, propose des solutions de nature identique.

Si le principe de la rampe est une théorie intéressante dans sa globalité, elle reste aujourd'hui beaucoup insuffisante au niveau des hypothèses sur les modes de réalisation, et n'est qu'un élément bien partiel de la compréhension de la logistique et de l'organisation spatiale du chantier. Il ne suffit pas de dire qu'il y a une rampe pour que tout soit résolu. Cette théorie doit être perfectionnée pour répondre au problème de son assise sur la pyramide, et des moyens de traction des blocs. Ces théories et les hypothèses de leurs modes de réalisation doivent être vérifiées dans le détail par des calculs de base de génie civil, tels que la tenue à la charge de la voie, le cubage des matériaux, la vitesse de transport des blocs, la place indispensable pour la main d'œuvre, les cœfficients de frottement et les moyens de repérage pour les géomètres.

Ces éléments de vérification sont rarement présentés par les égyptologues dans les ouvrages publiés, et leurs présentations restent critiquables du point de vue mécanique, ce qui les amène à de simples formulations d'hypothèses. Ce manque d'intérêt est assez frappant, pour ce qui n'est finalement que l'étude d'un énorme chantier de génie civil.

Des machines

Chèvres

Auguste Choisy[21], polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, émet l'hypothèse de la construction par degrés et en pelures d'oignon.

L'égyptologue allemand Uvo Hölscher[22] défendit en premier lieu l'idée des rampes en zigzag (reprises plus récemment par Jean-Pierre Adam), puis se pencha sur des moyens de manutention comme les pinces de levage.

Hermann Strub-Rœssler[23] reprend l'idée des chèvres, mais d'un modèle bien plus élaboré que celles d'A. Choisy, avec de multiples cabestans et cordages de manœuvre.

Élévateurs

Dispositif de Louis Croon

Louis Croon[24], ingénieur allemand, reprend le principe du chadouf, c'est-à-dire d'un levier de grande dimension manœuvré sur un axe, et pivotant pour l'occasion. Il étudie aussi un type de rampe frontale peu éloigné de celui de Jean-Philippe Lauer, mais de largeur constante.

En 1993, L. Albertelli propose un dispositif de levier pouvant tracter un monolithe de 30 tonnes le long de la paroie de la pyramide, grâce à une nacelle lestée d'ouvriers[25]

Théories alternatives

Transport et levage par canaux et écluses

Selon Jean-Pierre Adam[26], Pline l'Ancien préconisait déjà de transporter les obélisques et autres lourds monolithes suspendus entre deux embarcations et immergés, de sorte qu'ils perdent, par la poussée d'Archimède, plus du tiers de leur poids [27]. Le halage devient alors envisageable, aisé même, analogue à celui des lourds chalands sur nos canaux.

Manuel Minguez, technicien du génie civil, a présenté en 1985 une hypothèse d'application de moyens hydrauliques au transport des mégalithes, à la construction des pyramides ainsi qu'à l'érection des obélisques : il mène des expériences de halage en grandeur nature et développe l'idée des monolithes suspendus et immergés entre deux chalands ; puis il décrit un dispositif d'écluses pour la construction des pyramides[28]. Les obélisques, quant à eux, descendus au fil du fleuve depuis les carrières d'Assouan, ne nécessitaient aucun halage, mais plutôt un freinage efficace. Ils étaient mis en place et érigés, selon Manuel Minguez, par redressement dans un bassin artificiel, de manière contrôlée ainsi qu'à tout moment réversible[29].

Théories des pierres moulées

Selon ces théories, les blocs de pierre des pyramides d'Égypte n'ont pas été taillés, mais moulés, à la manière du béton.

Principaux travaux égyptologiques traitant du sujet

Notes et références

  1. Hérodote, L'Enquête II-124, traduction d'Andrée Barguet.
  2. Hérodote, L'Enquête II-124, traduction d'Andrée Barguet.
  3. Diodore de Sicile, Naissance des Dieux et des Hommes 1, 63-64, Trad. M. Casevitz, Les Belles Lettres, Coll. La Roue à livres, 2000, pp. 77-78 (ISBN 225133906X) ou en ligne Hodoï Elektronikaï : Diodore de Sicile 1, 63-64
  4. Strabon, XVII, 33, l. 35-36, BNF Gallica
  5. Traduction d'Amédée Tardieu, Méditerranées. net
  6. Cette affirmation fait l'objet d'une controverse scientifique. Voir l'article Théorie sur la construction des pyramides égyptiennes à base de pierres moulées
  7. Gilles Dormion, La chambre de Chéops, préface de Nicolas Grimal, Fayard, 2004 (ISBN 2-213-62229-9)
  8. Georges Goyon, Les rangs d'assises de la Grande pyramide p. 408-409.
  9. Voir les articles pyramide de Sésostris III et pyramide de Sésostris II
  10. Éric Guerrier, Le principe de la pyramide égyptienne, 1981, ISBN 2221006127, p. 78
  11. Jean-Pierre Adam, L'Archéologie devant l'imposture, Robert Laffont, 1975 et 1992 (ISBN 2221013247)
  12. comme le suggère Jean-Philippe Lauer, Le mystère des pyramides, 1988
  13. Cependant, ici les vestiges dateraient du Nouvel Empire égyptien et cette rampe aurait facilité l'exploitation de la pyramide comme carrière. Uvo Hölscher, Das grabdenkmal des königs Chephren, 1912, p. 72
  14. Jean-Philippe Lauer, Le Mystère des pyramides, Presses de la Cité, 1988 (ISBN 2-258-02368-8)
  15. Georges Goyon, Le Secret des bâtisseurs des grandes pyramides, Khéops, Pygmalion, 1997 (ISBN 2857043155)
  16. Théorie de Jean-Pierre Houdin, en 3D sur le site de Dassault Dispositifs
  17. Voir par exemple la Pyramide de Néferirkarê
  18. Pierre Crozat, Dispositif constructif des pyramides, Canevas, 1997 (ISBN 2-88382-065-1)
  19. Jean-Pierre Adam, L'Archéologie devant l'imposture, Robert Laffont, 1975 et 1992 (ISBN 2221013247)
  20. Jean Kérisel, Génie et démesure d'un pharaon : Khéops, Stock, 1996 (ISBN 2234046033)
  21. Auguste Choisy, L'Art de bâtir chez les Égyptiens, Edouard Rouveyre, 1904.
  22. Uvo Hölscher, Das Grabdenkmal des Königs Khephren, Leipzig, 1912.
  23. Hermann Strub-Rœssler, Vom Kraftwesen der Pyramiden, in Technische Rundschau, Berne, octobre 1952.
  24. Louis Croon, Lastentransport beim Bau der Pyramiden, Hanovre, 1925.
  25. Albertelli, L. (1993) - Le secret de la construction de la pyramide de Kheops éd. du Rocher (ISBN 2-268-01505-X)
  26. Jean-Pierre Adam, L'Archéologie devant l'imposture, Robert Laffont, 1975 et 1992 (ISBN 2221013247)
  27. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXVI, 14, 9 (cité par J. -P. Adam)  ; texte original de Pline en ligne sous XXXVI, 14, 68, Université de Chicago ; traduction française de Littré sous XXXVI, 14, 6
  28. Manuel Minguez, Les Pyramides d'Égypte : le secret de leur construction, Tallandier, 1985 (ISBN 2-235-01665-0)
  29. Manuel Minguez, Des Pyramides aux obélisques, Tallandier, 1987 (ISBN 2-235-01725-8)

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